La ville 3.0 : la ville sensible

On l’a vu avec l’Ubiboard, l’informatique ambiante est sensible à ma présence, capable de détecter mes préférences et de s’y soumettre, dès lors qu’elles figurent dans mon téléphone portable, pda ou tout autre « device ». Il s’agit ici d’une sensibilité limitée dans l’espace, celui qui a précisément fait l’objet d’une programmation « spatiale » spécifique par les ingénieurs de l’Inria. Seule mon intrusion dans ce lieu, délimité par la portée de la bulle wi-fi, bluetooth ou Rfid associée à l’objet, déclenchera une interaction.

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La ville augmentée, et sa machinerie numérique, favorise l’émergence de nouvelles sensibilités urbaines. Nos rapports aux lieux, aux objets, aux immeubles, à l’espace public changent. L’exploration de ces nouvelles sensibilités  mobilise de nombreux artistes, architectes, urbanistes et designers. Une étudiante de l’Ensci, a présenté un ensemble de projets ou réalisations traitant de ces liens nouveaux entre TIC et espace public. Comme « Colour by numbers », une installation interactive suédoise, consistant à installer sur une ancienne tour de télécommunications un éclairage interactif, qui varie en fonction des trajectoires des passants, et des sms que ces derniers peuvent envoyer. Dans le même esprit, on a aussi joué une partie de Tetris sur un immeuble, écrit sur une facade, écouté un message dans un mur, et joué au loup numérique dans la ville (le 1er qui est géolocalisé et tagué a perdu).

On peut vouloir prendre la main sur les façades et les immeubles, on peut aussi, comme à Tokyo près de la gare d’Osaki,  se laisser surprendre par un sol réactif, quadrillés de capteurs sensibles au poids et de leds, propageant à votre passage une série d’ondes lumineuses et de vibrations sur l’espace environnant, physique et liquide. Ce dialogue sensuel avec le sol et l’environnement urbain a été conçu pour apporter un peu de sérennité aux voyageurs stressés qui peuplent ce hub territorial.

Médiatisées par les prothèses numériques urbaines, Internet mobile ou immobiles, le citadin accède à de nouvelles perceptions augmentées. Le jogger peut connecter son Ipod au capteur embarqué dans sa basket, et surveiller sa vitesse, la distance effectuée, le temps de course. Le flaneur peut capter des traces sonores déposées par d’autres sur des audio-tags. A partir d’une cartographie émotionnelle, le curieux peut voyager dans la ville subjective.

 

Une des promesses de la ville augmentée, c’est la ville simplifiée. Dans cette perspective, la complexité se dissout dans la simplicité, devient transparente, invisible pour l’usager, voire prévenante à son égard. C’est l’informatique diffuse.  Mathieu Becus,  chercheur à l’INRIA-Rennes, attaché u laboratoire ACES (Ambiant Computing and Embedded Systems), a présenté plusieurs applications relevant de cette discipline.
Comme Ubiboard , un dispositif d’affichage fragmenté, capable de détecter la présence d’individus autour de lui, de s’adresser à eux dans leurs langues, et de diffuser les informations sur le tableau d’affichage proprement dit pour le groupe linguistique majoritaire, sur leurs téléphones portables pour les autres.
La complexité discrète de ce dispositif s’appuie ici sur la communication établie via le réseau bluetooth entre le tableau d’affichage et les téléphones portables des personnes se trouvant à proximité du panneau. La mise en contact de leurs bulles bluetooth respectives active le service.

Complexités visibles et invisibles de la ville 3.0

Au terme d’un accord inédit de transfert de technologie avec l’Inria et le laboratoire concepteur de l’Ubiboard, le groupe JC Decaux déploiera prochainement cette technologie et ce type de panneaux dans les aéroports, les gares et autres hubs territoriaux.

Il y a aussi des complexités indiscrètes et visibles.  Le projet Munimesh, labellisé par le pôle de compétitivité mondial SCS, et présenté au cours de cet atelier, pointe lui les imperfections de la couverture radio urbaine. Il est vrai que du satellite au Rfid en passant par le GSM, le wi-fi ou le bluetooth, les coutures des réseaux résistent, l’interopérabilité patine, la convergence  promise se fait attendre, compromettant le déploiement d’une nouvelle génération de services urbains numériques (vidéo-surveillance, télé-santé, services à la personne, gestion des servives municipaux …).
Pour y remédier, inspirés par le modèle américain du wi-fi municipal, les porteurs du projet Munismesh se propose de déployer une infrastructure neutre et publique, sous la forme d’un réseau wifi mesh (voir fiche d’expertise Fing), qui serait à la disposition de tous les acteurs concernés, et fonctionnerait comme une plate-forme ouverte de services urbains numériques.